Il y a 4 semaines, le Sleep-in Famille a ouvert ses portes à Vernier avec 4 familles accueillies chaque nuit. Dès cette semaine, l’équipe se prépare à l’accueil d’un afflux plus important. En attendant, voici une vue d’ensemble du contexte actuel des enfants sans-abri et du rôle du Sleep-in Famille. Résumé d’interview avec Marco Salmaso, coordinateur de projet.

Marco Salmaso ⎮ Coordinateur de projet

Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine de travail social à Genève, Marco Salmaso a travaillé au sein de la direction du Capas et l’association le C.A.R.É. Aujourd’hui, il engage toute son énergie et ses compétences dans la lutte contre le sans-abrisme en tant que coordinateur du Sleep-in Famille ouvert à l’accueil d’urgence depuis le 15 décembre 2021.

Protection et intégration des enfants de la rue

Notre première préoccupation est de protéger les enfants des dangers physiques et psychiques en leur offrant des lieux sécurisés où il peuvent également créer des liens avec la population et appréhender les us et coutumes locaux dès leur arrivée sur le territoire. Les familles de ces enfants arrivent à Genève, soucieuses de la situation économique difficile dans leurs pays d’origine sans avoir vraiment conscience des réalités locales auxquelles elles vont devoir se confronter. Dans la majorité des cas, ces personnes se retrouvent d’emblée dans une extrême pauvreté qui menace leur survie quotidienne. Cela ne les encourage pas forcément à retourner définitivement dans leur pays d’origine. Leur survie quotidienne étant en jeu, elles n’ont plus le temps ni l’énergie de construire un projet de vie à moyen ou long terme. Finalement, elles se retrouvent toujours dans les rues de Genève. De plus, la crise liée au COVID-19 n’a fait que renforcer l’isolement et l’exclusion de ces populations souvent mal comprises et peu considérées par les structures existantes.

Accompagnement des parents s’agissant de leurs droits et devoirs

Nous menons nos actions sur un plan humanitaire sans toutefois négliger la sensibilisation des parents. Certaines familles ont l’habitude d’aller et venir entre Genève et leur pays d’origine et les parents ne veulent pas se séparer de leurs enfants. Dès lors, les enfants ne peuvent être scolarisés de manière stable et seront tôt ou tard exclus du système scolaire genevois ; les assurances maladie obligatoires refusent en effet d’assurer des enfants présents de manière épisodique et leur bloquent ainsi l’accès à la scolarisation. Il est ensuite difficile, voire impossible, de réinscrire ces enfants qui se retrouvent de nouveau en permanence dans les rues de Genève. Leur nombre a augmenté ces dernières années. Il est aujourd’hui impératif d’agir sur ces mineurs dès le plus jeune âge à moyen et long terme. Notre mission est également de communiquer aux parents les conséquences de leur décision migratoire afin qu’ils comprennent qu’il y a des devoirs et responsabilités à observer avec rigueur s’ils souhaitent que leurs enfants s’intègrent à Genève. Les parents doivent être suffisamment informés afin de faire un choix réfléchi et désillusionné.

Un pas de plus vers l’intégration socio-culturelle des migrants à Genève

A Genève, on parle beaucoup de l’intégration socio-culturelle des migrants.
Alors qu’il y a plusieurs types de migrations, les premières images associées à ce mot aujourd’hui sont celles des plus visibles dans les rues, tels que les sans-abri, les requérants d’asile ou les réfugiés. On pense également à la mendicité, au vol et à la violence dans la rue.
De prime abord, lorsque l’on évoque l’enjeu d’intégration des étrangers, ce n’est pas aux employés des grandes multinationales ou aux migrants déjà économiquement établis que l’on pense. L’intégration socio-culturelle des migrants est l’un des éléments cruciaux pour la cohésion sociale. Cependant, en réalité, il est très difficile de trouver les motivations ou les moyens pour s’intégrer socialement et culturellement sans un certain niveau d’intégration économique garantissant la survie physique journalière et inversement. Ces deux pôles d’intégration sont considérés simultanément lorsque nous mettons en place nos actions sur le terrain, les familles peuvent ainsi sortir du cercle vicieux de la grande pauvreté. Nous leur offrons en outre un espace afin qu’ils puissent se réapproprier leur autonomie.

Le Sleep-in Famille, une structure d’accueil humanitaire qui fait le lien entre la rue et les structures d’urgence préexistantes

Actuellement, très peu de places d’accueil sont disponibles pour les familles nucléaires classiques composées d’un homme, d’une femme et de leurs enfants. Les familles se trouvent souvent dans la rue parce que le père ne peut être logé dans le même établissement que la mère et les enfants. Ces familles visitent notre structure un peu comme le dernier recours. Nous leur offrons un certain degré de souplesse et de flexibilité en terme d’admission, tout en suivant les règles générales d’accueil d’urgence. A titre d’exemple, les personnes ne sont pas obligées de s’inscrire pour une durée déterminée comme elles le doivent dans d’autres structures d’accueil d’urgence. Un simple ticket pour la nuit-même suffit. Nous travaillons donc beaucoup avec d’autres partenaires et réseaux sociaux et constituons ainsi un trait d’union entre la rue et les structures d’accueil d’urgence habituelles.

Photo & Interview ⎮ Kim Millius